« Même les morts entendront » : Sabine Callegari et la vie nouvelle

« Mon symptôme sait qui je suis » est la formule qui peut résumer l’intention de Sabine Callegari dans son ouvrage La vie augmentée. Comment la psychanalyse change une vie. Il s’agit de montrer comment la cure analytique permet d’accéder à soi en trouvant puis en traversant ses enfers, un noyau pathologique qui pourtant représente une singularité vitale pour soi – pour autant qu’il soit isolé et nettoyé. À l’issue de la cure, le noyau dépathologisé a été transformé en manière d’être irréductible et unique. Un chemin de vie et de résurrection qui passe par la puissance de la voix : « même les morts entendront. »

Cet article a été publié dans la revue Foi & Vie. Lecture [en ligne] ici.

Plan

« Mon symptôme sait qui je suis » est la formule choc mais remarquablement précise qui peut, à elle seule, résumer l’intention de Sabine Callegari dans son ouvrage La vie augmentée. Comment la psychanalyse change une vie (Albin Michel, 2017). Elle apparaît à la page 259 du livre, soit quatre pages avant la fin, à l’issue de cinq parties qui déroulent le projet de Sabine Callegari, montrer comment la cure analytique permet d’accéder à soi en retrouvant puis en traversant ce qu’elle appelle un « noyau pathologique », dont elle montre qu’il représente un « noyau de singularité vitale » que Lacan dénomme « sinthome » (p. 259) [1]. Pour Sabine Callegari, devenir ce que l’on est « consiste à s’identifier au noyau fondamental de son symptôme (…) dès lors que celui-ci a été libéré de son versant pathologique » (id.). À l’issue de la cure, le symptôme qui était douloureux a été « transformé en particularité positive, en manière d’être, irréductible et unique ». Le symptôme a été guéri de l’intérieur, ce qui permet au sujet de redécouvrir la fonction vitale qui était blessée par la pathologie [2].

Une fois le symptôme pathologique transformé en noyau de singularité vitale, l’être humain voit sa vie, qui était auparavant réduite par le pli pathologique ou condamnée à une répétition sans fin des enjeux de la narration blessée, tout à coup libérée pour s’épanouir dans un nouvel air plus vif. Ainsi, nous dit Sabine Callegari, la vie devient « augmentée », terme qui signifie l’accès à une dimension plus large de l‘existence humaine. Non pas le surhomme nietzschéen ou le transhumain de la science-fiction, mais un homme d’autant plus humain qu’il peut enfin recouvrer la part intime de lui-même qui était auparavant pliée, plissée, par le noyau pathologique. Alors la vie devient, non un destin, que l’on subit passivement sans pouvoir dévier de sa route douloureuse, condamné à la rejouer cent fois dans une sarabande infernale de disque rayé ou de danse des morts (la danse de Macabré), mais une destinée, une autre idée de la vie dans laquelle l’individu devient sujet de son existence.

Ainsi la psychanalyse peut se comprendre comme une « bonne rencontre », avec un thérapeute et avec soi, ou avec soi grâce au thérapeute, ce que Sabine Callegari nomme en jouant (de façon lacanienne) sur les mots, un « bon heur », mot qui signifie « bonne fortune, chance heureuse ».

Le mouvement de désir : rencontrer ses enfers

Le chapitre 1, « Sortir d’une position de malade » déploie l’idée qu’entrer en analyse revient à entrer dans un mouvement de désir. Cette nouvelle aventure va permettre de passer d’un traitement médicamenteux (par exemple un usage de psychotropes quand on est insomniaque) à une renaissance spirituelle. Dans ce mouvement, l’importance du refus de satisfaire l’autre, le « non à », est mise en avant pour analyser le symptôme mortifère, point de départ pour espérer ensuite pouvoir le dépathologiser. Jouer sur le mouvement du « non / oui », les deux faces de son être. Une danse avec soi, entre l’ombre et la lumière, entre un passé qui se répète et un futur qui se cherche.

C’est l’occasion pour Sabine Callegari de revenir sur la danse comme figure symbolique de la périchorèse entre ange et démon (p. 38). Un thème qu’elle aborde déjà dans son article « Cygne blanc, cygne noir. Le sublime et la destruction dans la danse »[3]. Deux pas de danse sont présentés, et c’est l’une des grandes qualités du livre de de toujours chercher à s’ancrer dans la réalité de la clinique. Dans l’exemple d’une patiente, la part d’ombre mute en création artistique. Chez un autre patient, un refus sexuel mute en jeux érotiques. Tout ce chapitre insiste sur « l’inanité des solutions » visant à l’éradication du symptôme mortifère par des traitements chimiques. Il s’agit au contraire de traiter la pathologie de l’intérieur. On trouve ici l’idée du symptôme comme singularité vitale : « dissoudre son symptôme en recourant à la chimie ou à divers protocoles psychologiques aurait consisté à priver cet homme de ce qui constituait, dans sa vie, une première invention venant supporter son lien à l’Autre féminin » (p. 44, nos italiques).

Pour le dire autrement, vouloir priver un individu de son symptôme douloureux ou pathologique reviendrait à le priver de l’accès à sa propre vie. Ici, pour renforcer encore davantage la démonstration de Sabine Callegari, j’ajouterais volontiers le film Orange mécanique (1971) de Stanley Kubrick, qui ne montre pas autre chose avec le traitement du personnage d’Alex. Afin d’éradiquer la violence qui est en lui par un système technique, on détruit le désir et on le prive de sa personnalité profonde. Voulant tuer le désir violent, on tue le désir tout court au lieu de le réparer en le séparant de la violence qui l’abime. Il s’agit de sauver le désir et non de le détruire. Le désir vital doit être restauré. Ce chapitre présente mille et une manières différentes de sentir le désir vital déserter son être profond, qui toutes conduisent à la même conclusion : il faudra tôt ou tard affronter l’horreur, aller au cœur de la violence.

Pour élargir la perspective de son propos et lui donner un ancrage universel, Sabine Callegari cite le Sermon sur la montagne (Matthieu 5, 17) qu’elle applique au désir « je suis venu non pour abolir [le désir] mais pour [l’]accomplir ». En entrant dans la démarche qu’elle propose et en poursuivant l’idée d’un ancrage évangélique, je suggérerais qu’on est ici dans une expérience pascale de mort et de résurrection après une traversée des enfers, un mouvement d’entrée dans le désir d’accès à soi qui va conduire à la rencontre de ses enfers. L’heure est venue que l’amour reprenne vie.

L’amour de transfert : une méthode dangereuse

Le chapitre 2, « Choisir l’amour », aborde l’une des notions les plus difficiles de la psychanalyse, le transfert et l’amour de transfert. L’importance absolument fondamentale de cette notion est soulignée [4]. C’est « l’amour de transfert »[5] qui va représenter le mécanisme d’entrée dans les profondeurs, avec le risque que comporte cette « méthode dangereuse », pour reprendre le titre du film de David Cronenberg : « Les premiers psychanalystes se sont trouvés immédiatement pris dans le buisson ardent : Breuer et Anna O, Jung avec Sabina Spielrein ». Le transfert, sa fonction cruciale dans la cure, est présenté comme une expérience de l’amour d’un savoir qui va révéler la faille en soi.

Pour illustrer son propos, Sabine Callegari présente et commente deux romans et un film, Mensonge sur le divan, Et Nietzsche a pleuré d’Irvin Yalom, et le film de David Cronenberg A Dangerous Method (2011). Ces trois œuvres, chacune dans son genre, révèlent par une fiction narrative le mécanisme de l’amour de transfert dont le modèle canonique est celui de Sabina Spielrein sur Carl Gustav Jung, que le film de Cronenberg scrute au plus près de ses ambiguïtés.

Ce film est commenté par Sabine Callegari pour illustrer en quoi la psychanalyse, méthode efficace, est aussi une méthode dangereuse (p. 62). Cette méthode est « dangereuse » car elle va mettre en mouvement des forces telluriques très profondes, aussi puissantes qu’enfouies dans les ombres de l’inconscient, des poussées de fièvre qui vont commencer à agir au grand jour, faisant jaillir des désirs interdits, des souvenirs inaccessibles, des traumatismes anciens qui sont sources de « fantasmes inavoués » (p. 63).

On peut comprendre dans ce sens une scène – qui fut controversée – du film A Dangerous Method. Alors que rien ne permet de le savoir, du point de vue des sources dont on dispose sur leur vie, mais c’est plausible du point de vue de la logique interne du processus de guérison, Cronenberg imagine une séquence érotique sadomasochiste entre Sabina Spielrein et Carl Gustav Jung. Cette scène représente une sorte de mise en scène incarnée du symptôme dont Sabina Spielrein s’ouvre à Jung, son désir d’humiliation, désir qui renvoie à une scène de l’enfance où elle avait été battue par son père.

L’incarnation audacieuse mais dangereuse du fantasme (ici d’humiliation), à la condition qu’elle s’inscrive dans un processus conduit par l’amour, peut alors apparaître comme un effet « des prodiges du transfert » (p. 63). Mais on comprend qu’il est absolument nécessaire de réveiller ce fantasme pour qu’il soit à la fois dévoilé et exposé à l’amour. J’ajouterais ici que l’on pourrait aussi penser à la scène du froid de l’opéra Le Roi Arthur de Purcell (Acte III, scène 2). Le Génie du froid est réveillé par l’amour et dit alors : « Quelle puissance es-tu, toi qui, du tréfonds, m’as fait lever à regret et lentement du lit des neiges éternelles ? » On peut alors concevoir que, dans le film de Cronenberg, l’épisode sadomasochiste est une étape d’un processus qui – dans des conditions précises mises en avant dans le film – conduit à la guérison [6]. Ainsi la « lumière transférentielle » joue avec la mort, un pas deux dans une danse entre l’ombre et la lumière.

D’où « la forme ardente de phénomènes passionnels » qui apparaît au cours de la méthode. L’analyse des romans d’Irvin Yalom permet à Sabine Callegari d’expliquer l’apparition de « transports presque mystiques pour le médecin, dont le savoir la reliait à la part inconnue de son être » (p. 93, nos italiques). Dans le transfert, il y a « union du phénomène de l’amour et de celui du savoir » (p. 90). Poursuivant une nouvelle fois l’idée de l’ancrage spirituel qui irrigue partout le livre de Sabine Callegari, j’aurais envie de citer le passage du Psaume 84 (11) : « amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent ». C’est-à-dire considérer que la vérité produit un effet de justice.

Une éthique du désir : perfectionnisme moral

La suite du chapitre présente le chemin vers l’amour qui s’ensuit, avec ses effets bénéfiques comme la disparition de la répétition, les scènes de « disque rayé » que l’on rejoue éternellement sans pouvoir quitter la pathologie du symptôme. « Pris dans la répétition, pour part jouissive, de son scénario infernal, cet homme ne disposait pas du recul suffisant pour appréhender lucidement la situation et concevoir une autre solution que l’escalade » (p. 82, nos italiques). Neutraliser la répétition est un enjeu vital de la cure analytique.

Le chapitre 3 « Trouver un sens à sa vie » est centré sur la notion d’ajustement à son désir, partant du principe que, au commencement de la cure, on se trouve comme désajusté. Il s’agit donc de trouver son désir. « Quel est ton désir » demande Jésus à Bartimée ? « Que je voie » répond l’aveugle de naissance. « Quel secret de mon désir m’est livré par l’analyse ? » demande Sabine Callegari. Ici intervient ce qu’elle appelle « l’objet-voix » qui parle au plus profond de soi, et qui constitue une capacité d’arrimage au réel en faisant renaître le désir « si tu veux vivre, relie-toi à moi et je t’en donnerai l’élan » (p. 136).

Le chapitre 4 « Être fier de son existence » poursuit cette exploration avec l’objectif d’une rectification de sa vie sur l’axe dévoilé au chapitre 3. Il s’agit de rester « au plus près de son désir » (p. 151) pour ne plus « errer à l’aveugle » (p. 152). Ici, la démarche analytique rejoint une démarche éthique, une éthique du sujet qui cherche à correspondre à lui-même. Dans cette perspective, il aurait été intéressant de mobiliser le courant philosophique américain appelé « moral perfectionism » qui pourrait de façon précise déployer pleinement ce que Sabine Callegari cherche à établir. Comme le montre ce chapitre, trouver sa voie conduit à un « enthousiasme » (p. 154), littéralement « en-theos », en Dieu. On retrouve bien ici les idées de philosophes comme Ralph Waldo Emerson ou Stanley Cavell.

A l’inverse, quand le désir disparaît, nous devenons, au sens propre, « dés-animés » (p. 159). D’où l’importance de l’enjeu éthique de ne pas se trahir. Si l’on cède sur son désir fondamental, alors apparaît une souffrance éthique qui peu conduire à un « burn-out » (p. 163). Sabine Callegari cite l’exemple d’un chercheur qui avait cédé sur ce qui était pour lui un intangible de la démarche de la recherche. S’être ainsi trahi avait conduit à une « catastrophe éthique » (p. 173). Il avait cru agir par loyauté envers la responsable de son laboratoire qui lui avait demandé de déroger à son désir profond en publiant des résultats insuffisamment vérifiés, mais cette apparente loyauté n’était qu’une fiction grimaçante de la vérité qu’il cherchait fondamentalement. La perte de son désir fondamental produisit des comportements addictifs sur les jeux vidéo. Un autre exemple est donné par une femme qui se voulait loyale envers son compagnon, alors que tout en elle hurlait d’un désalignement avec un désir érotique profond que son couple ne parvenait pas à remplir. Alors elle considéra qu’elle avait « le droit de rester vivante, c’est-à-dire de chercher un amour dans lequel l’érotisme circule » (p. 185). Car l’érotisme ne circulait pas auparavant, bien qu’elle aimât son compagnon, sans parvenir à être fidèle à son désir profond de nouer amour et érotisme. Dans les deux cas, il y a trahison du désir fondamental.

Ce chapitre est l’occasion pour Sabine Callegari de rappeler que la psychanalyse, contrairement aux thérapies par la parole, est une « éthique de l’acte » (p. 177) accompagnée d’un « acte de foi dans le langage » (p. 191). Tout le contraire des films de Woody Allen dans lesquels on parle sans acte, une approche de la psychanalyse qualifiée de « contresens » (p. 203). Alors que le bavardage thérapeutique ne guérit pas de l’angoisse, le chapitre 5, « Vivre apaisé », montre comment l’acte analytique permet une « traversée de l’angoisse » (p. 211).

Le chapitre 5 est aussi pour Sabine Callegari l’occasion de jeter deux passerelles vers deux domaines apparemment éloignés de la psychanalyse, la théologie et la mécanique quantique. La question de Dieu et de son absence lorsqu’on demande le secours de la religion dans la détresse, est discutée longuement. Ici, on comprend qu’il faut poser la question différemment, à partir de la notion de « je » et d’appuis intérieurs qu’il s’agit d’inventer (p. 229). Sabine Callegari nous propose de considérer que « Dieu » peut représenter le nom sacré de notre désir profond. Ici, sur le dialogue entre psychanalyse et christianisme, on pourrait mentionner de nombreux travaux comme ceux de Denis Vasse, L’autre du désir et le Dieu de la foi (2010).

Le second domaine pour lequel Sabine Callegari lance une passerelle est celui, plus inattendu, de la mécanique quantique. Bien que cette discipline ne soit pas explicitement mentionnée dans le livre, et ne sera évoquée que dans sa chaîne YouTube ultérieurement, on trouve ici l’origine et la raison de son apparition. La clé d’accès est posée avec la notion de « quantum d’affect »[7] (p. 204). Cette idée de quantum d’affect, invisible mais présent, tente Sabine Callegari en l’amenant à chercher un arrière-plan scientifique à la théorie psychanalytique. En effet, les évolutions de conscience s’effectuent de manière discontinue, par saut. La passerelle que Sabine Callegari cherche à mettre en place et dont elle proposera quelques caractéristiques dans ses vidéos ultérieures participe d’une démarche apparue il y a une vingtaine d’années, consistant à « repenser la psychanalyse avec les sciences »[8]. La question de l’utilisation en psychanalyse des perspectives issues de la mécanique quantique a fait l’objet de nombreux travaux [9]. C’est un domaine en cours d’exploration. L’ouvrage de Gerald Gargiulo Quantum Psychoanalysis: Essays on Physics, Mind, and Analysis Today en est une bonne introduction.

La voix de la NASA

Nous avons commencé cette analyse de La vie augmentée par sa fin. Il est temps maintenant pour terminer de revenir à l’introduction. Cette sensationnelle introduction est tout entière animée par une hypothèse aussi audacieuse que spectaculairement pertinente, sur le sauvetage miraculeux de la mission spatiale américaine Apollo 13, une idée que Sabine Callegari nomme « la voix de la NASA ».

Apollo 13 est la troisième mission lunaire (11-17 avril 1970) du programme Apollo. Mais au cours du vol vers la Lune, à T+56 heures à 305 000 kilomètres de la Terre, le réservoir extérieur d’oxygène explose en rendant le module de service hors d’usage, obligeant les trois astronautes à se réfugier dans le Module d’excursion lunaire (LEM). Les mots de Jack Swigert sont restés célèbres : « Houston, on a eu un problème ». C’est la fin de l’objectif Lune. Mais c’est aussi le début d’une séquence angoissante : les astronautes ne disposent pas d’assez d’électricité pour faire fonctionner les systèmes vitaux du vaisseau. Dans le silence spatial, l’angoisse devient maximale. Toutes les causes de cet accident ont été disséquées et analysées, avant d’être corrigées pour les missions suivantes. Tout semble avoir été dit sur l’exploit qu’a représenté le retour sur Terre des trois astronautes vivants.

Pourtant, Sabine Callegari a l’idée très originale d’ajouter un autre élément qui eut, selon elle, un rôle majeur dans le retour sain et sauf, « le surgissement de la voix humaine [qui] enraye la chute » (p. 10). Selon cette hypothèse, c’est la présence constante de la voix humaine qui a permis aux astronautes de rester arrimés à leur désir de vivre. La voix a sauvé. Ainsi, nous dit Sabine Callegari, la cure analytique va être ce processus dans lequel, par l’amour de transfert, la « voix » va parler. L’hypothèse sur Apollo 13 va être mentionnée à plusieurs reprises dans le livre, à chaque fois qu’il s’agira de faire comprendre que la voix devient un vecteur de guérison, non dans le sens où le symptôme serait éradiqué, mais dans le sens où il devient un sinthome. En cela, nous dit Sabine Callegari, « la psychanalyse a la beauté d’une prière libre » (p. 22). La psychanalyse a ce pouvoir de réveiller ce qui est mort en soi par une voix qui traverse les enfers et l’angoisse que l’amour de transfert permet d’entendre.

En cela la cure analytique, telle que présentée par Sabine Callegari, peut se vivre comme un chemin de résurrection après la traversée de ses enfers. En cela, selon le titre de l’ouvrage, la vie devient « augmentée » dans le sens où ce qui la réduisait, la rétrécissait (dont le symptôme avec les effets de disque rayé était la trace psychologique), la fêlure ou l’écharde, a été nettoyé des composants toxiques qui empêchaient de vivre pleinement. La cure analytique n’aura pas supprimé la faille, elle aura agi en sorte que cette faille ne devienne plus source de mal dans la vie. Considérant les références bibliques mobilisées dans le livre, il est légitime de pousser à son extrémité l’intuition qui parcourt La vie augmentée et de considérer que, en entrant dans la cure analytique, « l’heure est venue où même les morts entendront la voix du Fils de Dieu » (Jean 5, 25).


[1] Le mot sinthome vient du verbe grec « suntithémi » qui veut dire « mettre ensemble » et qui a donné en latin « symptoma » pour signifier une co-incidence (cum-incidere), c’est-à-dire ce qui « tombe ensemble » : telle maladie et tel signe. La notion de sinthome est associée à la théorie lacanienne des nœuds. Voir par exemple Philippe Julien, « Du symptôme au sinthome : la psychose lacanienne », La clinique lacanienne, 2001/1 (no 5), p. 63-67.

[2] C’est l’invention de l’inconscient face au réel, ce qui permet « de donner dans l’imaginaire quelque consistance au réel du symbolique ». Voir Philippe Julien (2001).

[3] Sabine Callegari, « Cygne blanc, cygne noir. Le sublime et la destruction dans la danse », Psychanalyse, 2014/2 (n° 30), p. 63-87.

[4] Un thème déjà abordé par Sabine Callegari dans son article « Une psychanalyse est une rencontre d’amour », Psychanalyse, 2013/1 (n° 26), p. 125-129.

[5] Rappelons que le terme freudien « Übertragungsliebe » condense le transfert et l’amour en un seul mot, comme deux éclairages d’un même phénomène, tandis que la traduction française « amour de transfert » les juxtapose, donnant l’impression d’une causalité.

[6] Cette idée – retraverser un traumatisme ancien – apparaît aussi dans un épisode de la série The L Word (2004-2009), mais sans la dimension de la cure analytique. L’un des personnages, Jenny, traumatisée par une agression par des garçons lorsqu’elle était enfant, va, à l’occasion de la gay pride de Los Angeles, retraverser cette agression en jouant une scène sadomasochiste dans un stand fétichiste de la gay pride avec une dominatrice qui lui présente cette épreuve comme l’une des « stations d’un chemin de Croix » (elle sera attachée à une croix de Saint-André). Elle en émergera en larmes. Voir aussi l’œuvre Rosarium de l’artiste Sophie Badens.

[7] Un quantum d’affect est une « quantité d’énergie psychique, dont la production est susceptible d’accompagner toute impression psychique »

[8] Georges Pragier et Sylvie Faure-Pragier, Repenser la psychanalyse avec les sciences. Presses Universitaires de France, 2007.

[9] Voir par exemple Pierre Ginésy, « Mécanique quantique, psychanalyse… Vers des sciences conjecturales ? », Annuaire de l’École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences religieuses [En ligne], 119 | 2012, mis en ligne le 10 octobre 2012, consulté le 27 octobre 2023.

Laisser un commentaire

Powered by WordPress.com. par Anders Noren.

Retour en haut ↑

En savoir plus sur Chroniques de l'antimonde

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading